Recommandations pour la gestion de la végétation
de jachère au SO-Niger

Alexander Wezel1 et Frieder Graef2

1 Department of Landscape and Plant Ecology, University of Hohenheim, 70593 Stuttgart, Germany, Tel.: 0049/711/4593628, Fax.: 0049/711/4592831, e-mail: wezel@mail.uni-greifswald.de

2 Department of Soil Science and Land Evaluation, University of Hohenheim, 70593 Stuttgart, Germany, e-mail: graef@uni-hohenheim.de

Mots-clés: groupements végétaux de jachère,  gestion, végétation,  SOTER
 

1 Objectifs de la recherche

La production agricole en Afrique de l'Ouest a augmenté au cours des vingt dernières années mais seulement parce que la superficie des terres cultivées a doublé à cause de la forte baisse des rendements à l' hectare (FAO 1996).  Cette pratique d'étendre la zone cultivée, jusqu'aux terres marginales à faible potentiel agricole (Broekhuyse et Allen 1988), a eu un impact important sur le système de jachère. Au Niger, les périodes de jachère sont passées de 15 ans (SEDES 1987) à moins de cinq ans, provoquant une dégradation des terres mises en jachère.  Si les périodes de jachère sont trop courtes pour permettre la restauration de la fertilité des sols, on assiste à une dégradation physique et chimique du sol suivie de baisses de rendements.  Une meilleure gestion des jachères s'impose. Des outils de gestion ont été développés dans le cadre SFB 308 à cet effet.

Des données sur la végétation de jachère et des études sur les composantes du terrain et du sol ont été entreprises dans le sud-ouest du Niger afin de présenter une carte qui délimite les zones où la gestion des jachères pourrait être mise en place.
 

2 Approche

2.1 Observations géomorphologiques

Un inventaire des sols et du terrain a été réalisé en utilisant l'approche SOTER (Base de données digitale SOl et TERrain) (ISRIC 1993). Des images satellites Landsat TM (Thematic Mapper), des cartes physiographiques (INRAN 1977) et thématiques à 1:50 000 et 1:100 000 ont été interprétées afin de caractériser et cartographier des unités géomorphologiques. Les cartes SOTER ont été intégrées dans un SIG (Atlas-SIG).

Afin d'obtenir un inventaire des sols et leur distribution en composantes de terrain distinctes de même que des informations spatiales sur les caractéristiques sélectionnées telles que l'occupation des sols ou la couverture végétale,  53 transects géomorphologiques d'environ 200 kilomètres de long au total (Figure 1) ont été réalisés en 1995/96. Des échantillons de 150  profils de sols ont été analysés pour C total et N, la texture et les cations échangeables.

La   base de données SOTER repose sur trois niveaux: "unités de terrain " (UT), "composantes de terrain" (CT) et "composantes de sol" avec leurs données attributs et est reliée au SIG. Les UT sont caractérisées par des reliefs importants, une lithologie générale et une dissection. Une UT comprend une ou plusieurs CT, qui sont caractérisées par des paramètres de terrain plus spécifiques (p.ex. caractéristiques physiques de la surface, inclinaison de la pente et longueur). Une CT comprend une ou plusieurs composantes de sol. Les composantes de sol comprennent des descriptions détaillées de l'apparence spatiale des types de sols avec des paramètres tels que la profondeur racinaire et les propriétés chimiques et physiques.
 

2.2 Classification de la végétation de jachère

Des sites de jachère ont été observés au sud-ouest du Niger (Wezel 1998) pour effectuer des relevés de végétation de jachère en 1994-1996 . La végétation de jachère est définie comme la couverture végétale de la terre qui a été précédemment cultivée pendant plusieurs années  (Photo1, Photo 2). Un gradient climatique nord-sud de 350-650 mm de précipitations a été suivi et différentes unités géomorphologiques (dune, glacis, plateau, dépression, dallol) ont été prises en compte.  Cent quatre-vingt seize relevés ont été effectués pendant trois ans. Parmi ceux-ci, 117 ont été géoréférencés dans la superficie couverte par la carte SOTER. La taille des parcelles observée était d'environ 50-60 m2.  La méthode de Braun-Blanquet (1964) a été utilisée pour les relevés de végétation.  La couverture des différentes couches de végétation, l'inclinaison, l'âge de la jachère et sa position géographique (déterminée avec un Système de Positionnement Global ) ont été notés. Des échantillons de sol ont été prélevés à une profondeur de 0-10 cm pour chaque parcelle de végétation et analysés pour pHH20, Corg, Ntotal et la texture du sol. Les données sur la végétation ont été pré-classifiées à l'aide d'une analyse par grappe. La classification finale a été réalisée manuellement.
 

2.3 Superposition de la végétation et de la géomorphologie

Cent dix-sept relevés de végétation géoréférencés ont été superposés sur la carte SOTER. La distribution de groupements végétaux en différentes CT a été cartographiée et des tableaux de récurrence de chaque groupement végétal ont été créés.

Des CT possédant les mêmes caractéristiques de sol ont été réunies et les distributions de sol respectives calculées à partir des transects. Des groupements de sol possédant les mêmes propriétés (texture, profondeur limitée, stagnation de l'eau) ont également été rassemblés.
 

3 Résultats et interprétation

3.1 Observations géomorphologiques

Dix-sept unités de terrain comportant 53 CT ont été délimitées et cartographiées (Tableau 1, voir aussi chapitre 2.1). Les terres sont dominées par 50-60 % de sols sablonneux, suivi de 20-30 % de sols limono-argileux et de 15-25 % de sols graveleux (Graef et Stahr 1997), qui sont plutôt acides et pauvres. Trois types de couvertures végétales importantes sont distinguées dans le sud-ouest du Niger (plateaux avec brousse tigrée, champs, jachères)  (Institute of Hydrology 1994). Suivant cette classification, une couverture de 10 % pour les plateaux, 40 % pour les champs et 50 % pour les jachères a été calculée à partir des observations de transects.

3.2 Caractéristiques des sites et des sols  de jachères

La classification des données de végétation a permis de distinguer sept groupements végétaux (Tableau des caractéristiques des espèces, liens vers les données ). Elle suit la diminution des précipitations allant du sud au nord  (comparer aussi chapitre 2.3). On peut trouver une description détaillée des différents groupements et le diagnostic des espèces chez Wezel (1998) et Wezel et Böcker (1998).

Le groupement Setaria pallide-fusca-Panicum laetum (pour les compositions de groupement végétal, voir liens vers les données) se trouve sur des sites relativement humides dans les dépressions  (sites recueillant l'écoulement) avec des sols plutôt limoneux (Gleysols, Vertisols), qui peuvent même être inondés pendant quelques heures ou quelques jours suite à une pluie abondante. La teneur en matières organiques est clairement plus élevée que sur les autres sites (liens vers les données).

Les groupements Microchloa indica et Loudetia togoensis se trouvent sur les plateaux, mais aussi sur des sites possédant des caractéristiques de sols similaires. Le paramètre déterminant est la profondeur (Leptosols, Cambisols). La latérite ou les horizons de sol compacté peuvent entraîner une inondation temporaire de quelques centimètres suite à une pluie abondante.  Des strates compactées possédant une teneur plus élevée en limon et argile ont souvent été trouvées à 20-50 cm de profondeur et des couches de latérite impénétrables sont parfois présentes même à 10 cm de profondeur.

Le groupement Crotalaria atrorubens est une transition  entre conditions mésiques et arides. Les relevés des groupements Chrozophora brocchiana et Artistida sieberana ont été effectués sur des sites secs, sablonneux dont la teneur en matières organiques est très faible.  Le groupement le plus au nord avec des faibles précipitations  (350 mm) est le groupement Tribulus terrestris-Limeum pterocarpum, situé sur des sols sablonneux dans un Dallol. Les relevés non classifiés ne sont pas présentés au Tableau 2 mais se trouvent généralement sur les sites sablonneux.
 

3.3 Comparaison des groupements de jachères avec les unités SOTER  (superposition)

Les positions des 117 relevés de végétation  ont été attribuées aux CT respectives dans la carte SOTER. Des jachères ont été découvertes dans 15 des 53 CT. La plupart des zones de jachère ont été trouvées sur des faibles pentes avec une couverture sablonneuse de plus d' 1 m de profondeur (Cc1/2) (Tableau 3). On  a rarement trouvé de jachères sur des pentes plus fortes (Hc1, Hb1, Cc3) . Soixante-sept pourcent des sites de jachère énumérés au Tableau 3 sont situés dans les CT avec couverture sablonneuse (A1, Cc1-3, Da1), qui sont les zones cultivables favorites.

Si nous calculons la zone des composantes de terrain Cc1/2, qui inclut plus de la moitié des relevés (56 %), nous obtenons une superficie de 3860 km2 ou 16.8 % de la zone étudiée. Grâce à la carte SOTER, la distribution spatiale de ces CT, et donc des zones cibles pour une gestion améliorée des jachères, peut être délimitée. En calculant les zones d'occupation des sols dans  Cc1/2 à partir des observations de transects, on trouve une superficie d'environ 30 % de sites de jachère  et 70 % de champs cultivés. Ce qui correspond à 1158 km2 de jachère, et souligne l'importance des CT Cc1/2  pour l'agriculture.

La distribution des groupements de jachère parmi les différentes CT révèle des aspects variés. Le groupement Tribulus terrestris-Limeum pterocarpum a été trouvé dans le  Dallol Bosso (Da1), mais uniquement sur une petite superficie dans le nord de la zone d'étude.   La distribution des groupements Aristida sieberana et Chrozophora brocchiana est plus intéressante parce qu'ils ont été trouvés à travers toute la zone d'étude, mais principalement sur des CT avec sols sablonneux  (Cc1-3, A1). Cette distribution correspond bien aux résultats présentés au Tableau 2. Les groupements Aristida sieberana et Chrozophora brocchiana ont été trouvés sur des sites secs et sablonneux  (Arenosols), pauvres en matière organique et en azote.

Le groupement Crotalaria atrorubens apparaît plus fréquemment sur des superficies recouvertes de sable  (Cc1-2), bien qu'il possède un caractère intermédiaire situé entre les groupements de sites plus humides et plus arides. Si nous observons les groupements de sites plus humides ou de sites à régime hydrique changeant,  (Setaria-, Microchloa-, Loudetia-), leur présence dans les CT semble arbitraire. Toutefois, elle s'explique par la présence du groupement Setaria pallide-fucsca-Panicum laetum dans les dépressions de sites de plateaux (P6) et sur les faibles pentes (Lc3, Cc2) qui sont souvent trop petites pour être cartographiées. C'est aussi le cas pour le groupement Microchloa indica. Ce groupement couvre des superficies à petite échelle, distribuées comme une mosaïque de sites compactés et érodés, à cause d'un pâturage intensif.

On s'attendait à trouver le groupement Loudetia togoensis principalement sur les plateaux ou autres CT aux sols peu profonds.  Ceci s'est confirmé dans le cas des CT planes  (P5, P6, T1) mais également à faibles pentes (Cc2, Lc1, Hb1, Hc1). La présence de ce groupement sur les pentes n'est pas contradictoire parce que les CT ne sont pas toujours homogènes. Certains relevés ont été effectués sur des sites locaux de la composante Cc2 avec des sols contenant des couches latéritiques à une faible profondeur liée aux plateaux étendus situés tout près.  Cette classification erronée des relevés avec la superposition de la végétation et de la géomorphologie est un problème d'échelle qui ne concerne que quelques relevés.

Les facteurs les plus importants concernant les terres cultivables (en dehors de la proximité du village) et donc la distribution des terres mises en jachère sont les paramètres de sols tels que la texture ou la profondeur racinaire.  Dès lors, la plupart des groupements de jachère ont été trouvés sur des CT où la terre était cultivée sur des sols sablonneux plus profonds. Les sols limono-argileux sont souvent incultivables à cause de surfaces encroûtées et de taux d'infiltration très faibles.

Ces caractéristiques se reflètent dans la distribution des différents groupements de jachère. Aucun groupement de jachère n'a été trouvé dans une seule CT  (exception Da1) et donc aucune zone cible pour la gestion de sites composés uniquement de groupements de jachère  n'a pu être cartographiée.  Le type de sol est plus déterminant que les paramètres de terrain pour l'établissement de différents groupements végétaux de jachère. La différentiation des CT basée sur la roche mère et l'origine fluviale ou éolienne passe au second plan si les conditions de croissance de la végétation de jachère sont plus ou moins les mêmes.

Toutefois, les connaissances concernant les caractéristiques de groupements de jachère peuvent être utilisées directement sur le terrain  (p.ex la zone Cc 1/2) pour des recommandations de gestion. Par exemple, la présence du groupement Setaria pallide-fusca-Panicum laetum indique des sites qui ne conviennent qu'à la culture du sorgho parce que l'eau stagnante pourrait limiter la croissance du mil  (Tableau 2). Sur les sites avec Microchloa indica, on devrait réduire l'intensité du pâturage et appliquer du paillage pour que les termites puissent casser les croûtes en surface. Le maintien et l'amélioration de la végétation des arbustes et des arbres est importante dans les zones où on trouve les groupements Crotalaria atrorubens, Loudetia togoensis et Tribulus terrestris. Les déjections de ruminants parqués n'améliorent que faiblement le taux de matière organique des sols sablonneux des groupements Chrozophora brocchiana et Aristida sieberana au cours de la période de jachère.
 

4 Conclusions

La distribution de la végétation de jachère de quelques composantes de terrain (CT) peut être utilisée pour délimiter des zones où la gestion de jachère pourrait être mise en place.  Toutefois, les différents groupements végétaux de jachère ne sont pas liés à des CT uniques parce que la variabilité des sols au sein de ces CT est importante pour leur récurrence mais peut être restreinte à des plus petites superficies au sein des CT.  Néanmoins, les connaissances portant sur les caractéristiques des différents groupements de jachère peuvent être utilisées directement sur le terrain pour des recommandations de gestion.

Si des systèmes de gestion des terres doivent être proposés aux autorités locales ou aux agents de développement, les plus appropriés sont ceux dans lesquels la terre en jachère est encore intégrée et doit être maintenue ou même étendue, les zones avec des dépôts profonds de sable et des terres à pentes nulles ou faibles.  Les objectifs utiles et nécessaires pour la restauration de la fertilité du sol sont la gestion améliorée de l'élevage sédentaire ou des systèmes agroforestiers avec des arbustes intégrés dans la production de mil. Sans gestion alternative des terres, l'épuisement des terres mises jachère risquerait d'aggraver la situation déjà problématique de la dégradation des sols et du déclin des rendements.
 

5 Bibliographie

Braun-Blanquet J. 1964: Pflanzensoziologie. Springer. Wien. 761 pp.

Broekhuyse J.T. & Allen A.M.1988: Farming systems research on the Northern Mossi Plateau. Human Organization 47 (4): 330-342.

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Graef F. & Stahr K. 1997: The application of SOTER for land evaluation in south-west Niger. In: Renard G., Neef A., Becker K., and M. von Oppen (eds.), Soil fertility management in West African land use systems. Proceedings of the Regional Workshop, 4-8 march 1997, Niamey. Niger. pp. 237-242.

Institute of Hydrology 1994: HAPEX-Sahel. Southern Super-Site Report. Wallingford. England.

INRAN 1977: Carte des unités physiographiques de la région agricole du Sud-Niger. PNUD/FAO. Niamey. Niger.

ISRIC 1993: Global and national soils and terrain digital databases (SOTER). Procedures Manual. Wageningen. 115 pp.

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6 Lectures additionnelles

Breman H. & Kessler J.-J.1995: Woody Plants in Agro-Ecosystems of Semi-Arid Regions - with an Emphasis on the Sahelian Countries. Advanced Series in Agricultural Science 23. Springer. Berlin. 340 pp.

D'Herbés J.M. & Valentin C.1997: Land surface conditions of the Niamey region: ecological and hydrological implications. Journal of Hydrology 188-189: 18-42.

Floret C., Pontanier R. & Serpantiè G. 1993: La jachère en Afrique tropical. Dossier MAB 16, UNESCO, Paris.

Reij C., Scoones I. & Toulmin C. [eds.]1996: Sustaining the soil. Indigenous soil and water conservation in Africa. Earthscan Publications. London. 260 pp.
 

 7 Sites Web intéressants Csaplovics E. & Kanonier J. 1992: Integrative Methoden der Dokumentation und Analyse regionaler Desertifikationsprozesse im Sahel Afrikas - die Bedeutung von Fernerkundung und geographischem Informationssystem. Salzburger Geographische Materialien 18: 121-130.
http://www.sbg.ac.at/geo/docs/inver/caspalo.htm

FAO: Niger - Infomations de Base. Agriculture et alimentation au Niger
http://www.fao.org/WAICENT/faoinfo/economic/giews/french/basedocs/ner/nertoc1f.htm

Ker A. 1997: Farming Systems in the African Savanna. A Continent in Crisis. International Development Research Centre, Ottawa, Canada.
http://www.idrc.ca/books/focus/793/793.html


8 Annotations

Figure 1: Zone d'étude et localisation des transects

Figure 2: Sites de jachère observés au SO Niger

Tableau 1: Unités de terrain SOTER et leur couverture dans la zone d'étude

Tableau 2: Caractéristiques des sites de groupements de jachère, leur importance pour la production de la culture consécutive et les mesures possibles de gestion au sud-ouest du Niger

Tableau 3: Les groupements de jachère trouvés sur différentes composantes de terrain du SO Niger

Carte 1: Les zones où la gestion des jachères pourrait être mise en place
 

9 Liens vers les données

Les données de ce projet à télécharger (un fichier zip par projet)

Avec les données suivantes (si disponible):

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