Historique du NigerDJIBO HAMANI*
* DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE, FLSH, UNIVERSITÉ ABDOU MOUMOUNI DE Niamey, B.P.. 418 Niamey, Niger,
email: depgeo@intnet.ne
Le Niger se situe à mi-chemin entre la Méditerranée et le Golfe de Guinée, entre l'Atlantique et la vallée du Nil. Il est presqu'entièrement Saharo-Sahélien et cette position éminement charnière marque profondement son évolution historique, ses caractéristiques démographiques et sa réalité culturelle.
Le peuplement actuel résulte en effet des migrations très anciennes qui du nord au sud portèrent de nombreux groupes à fuir la désertification du Sahara, surtout à partir de la fin du néolithique et à s'installer dans des zones plus humides: massif de l'Aïr (Ayar), bords du Méga-Tchad, vallée du Niger, zone méridionale. Là se développèrent la métallurgie du cuivre (attestée dès 1360 av.J.C dans la steppe au sud de l'Ayar, la métallurgie du fer (VIIe et IIIe S av. J.C respectivement dans le Termit et le sud de l'Ayar) sans oublier la métallurgie du bronze et l'art des figurines en terre cuite. L'écriture comme support culturel n'apparaît qu'avec l'arrivée de l'Islam à partir du VIIIe siècle, mais les Arabes conduits par Uqba b. Nafi firent dès 666/7 dans le Kawar une incursion qui resta sans lendemain. Uqba trouva dans le Kawar une monarchie ainsi que des villes bâties. Au VIIIe siècle des royaumes créés à des dates inconnues, existaient déjà au Niger. A partir du IXe siècle grâce aux écrits arabes des informations de plus en plus précises nous parviennent dans l'espace nigérien: l'État du Kanem autour du Lac Tchad et en direction du Kawar, l'État Songhay le long du fleuve Niger et qui étendait son influence le long de la voie caravanière qui longeait le sud de l'Ayar. Plus tard apparurent l'État Inussufa (Massufa) de Tiggida (Takedda) puis les États Hausa dont le Gobir. A partir du Xe Siècle les relations économiques, culturelles et humaines s'intensifièrent avec les pays du Maghreb et l'Égypte à travers l'Ayar et les oasis du Kawar, et les dynasties du Songhay et du Kanem se convertirent à l'Islam. Entre le VIIe et le XIe S des migrations de plus en plus importantes portèrent des groupes Touareg du Nord et du Centre Saharien vers le Sahel Nord, au contact des populations Soudanaises. Certaines de ces dernières abandonnèrent progressivement cet habitat septentrional pour des zones plus méridionales.
Entre le XIe et le XIIIe S, le royaume du Kanem, qui s'étendait sur la moitié orientale du Niger devint une véritable puissance qui s'empara du Fezzan (Libye) au XIIIe S sous Dunama Dibbalemi.
Le XVe S fut, pour l'histoire du Niger, une période historique remarquable: création du Sultanat d'Ayar (1405) , constitution de l'État de Bornou par la dynastie des Seyfawa expulsée du Kanem au XIVe S , renaissance du Songhay qui sous Sonni Ali Ber (1464-1492) mit un terme à la prépondérance du Mali dans le Soudan Occidental, avènement des États Hausa qui ouvrirent alors les premières voies caravanières entre Soudan Central et pays du Sud (Gonja, Ashanti et Golfe de Guinée), mise en place de structures politiques de plus en plus complexes, progrès remarquable de l'Islam.
Cette évolution favorable atteint son point culminant au Songhay sous le roi Askia Mohammed (1493- 1528) et au Bornou sous le roi Idris Alawoma (1571-1603). L'ensemble du Niger se trouve, au XVIe siècle partagé entre ces deux États ou soumis à leur influence. La paix aidant, les échanges économiques se développèrent entre les différentes régions du Niger et entre ces dernières et les espaces méditerranéen et guinéen (Golfe de Guinée). Agadez devint une plaque tournante caravanière cosmopolite , riche et animée avec une vie culturelle intense. C'est l'époque où Shaykh Zakariya construisit le fameux minaret de 27 m de haut qui fait l'orgueil de la ville.
La fin du siècle vit la disparition de l'Empire Songhay envahi par l'armée marocaine (1591) . Askia Nuhu (1591-1599) réussit cependant, aux prix d'une résistance farouche, à chasser les marocains du Dendi (entre Gao et Gaya) , sans toutefois réussir à conserver l'unité de la région qui éclata en de nombreuses principautés rivales. Le Borno aussi s'assoupit après Idris Alawoma. Entre le Songhay démoli et le Borno affaibli le monde Hausa poursuivit son ascension économique : les voies commerciales vers l'actuel Ghana, le centre et le sud du Nigeria, vers la Méditerranée d'autant plus actives qu'une partie du commerce transsaharien s'était détournée vers le monde Hausa après la chute du Songhay. A partir de l'avènement de Bawa Jan Gwarzo (1771-1789) comme roi de Gobir, le monde Hausa connut à son tour l'instabilité due aux affrontements militaires. L'Ayar participa à ces guerres ce qui contribua à affaiblir toute la région. Cette période de troubles et d'incertitudes favorisa la naissance d'un mouvement contestataire dirigé par des communautés "maraboutiques" qui critiquaient les pratiques religieuses syncrétiques des souverains, la vie licencieuse des classes dirigeantes, les exactions envers les pauvres accablés d'impôts. L'Islam avait déjà mille (1000) ans dans la région. Il avait produit des personnalités brillantes dont les écrits sont connus et, pour certains, encore disponibles aujourd'hui. Mais avec la fin du XVIIIe S, les savants musulmans voulurent réformer la société. Mallam Jibril dan Umar qui visita la Mecque et le Caire à la fin du XVIIIe S entreprit ce mouvement de réforme mais ce fut le plus brillant ses élèves et disciples, Usman dan Fodio (1754-1817) né à Maratta près de Galmi (département de Tawa) qui réussira là où son maître avait échoué : l'établissement d'un État islamique s'étendant de l'Adar à Téra (Niger), à Dori (Burkina) et à l'Adamawa (Cameroun) et dont l'influence atteignit l'Ayar et le Gurma, avec comme capitale Sokoto (Nigeria). Le Borno réussit à préserver la plus grande partie de son territoire grâce à l'énergie d'un autre "marabout", Muhammad al-Amin al-Kanemi dont la famille allait bientôt remplacer, sous le nom de Shehu, la dynastie millénaire des Mai. Le Niger devint le centre de regroupement des anciennes dynasties Hausa détrônées par les jihadistes. Elles furent largement contenues pendant la première moitié du XIXe S qui vit dans toute la région un remarquable développement économique et un épanouissement intellectuel sans précédent avec une floraison d'écrivains en langue arabe mais aussi le développement de la poésie écrite en Hausa et en peul.
Dans le dernier tiers du XIXe S, Sokoto entra en décadence, tout pouvoir hégémonique disparut de la région malgré l'apparition de l'État de Damagaram. Les troubles reprirent et affaiblirent tout le monde. Cela facilita largement l'entreprise coloniale Française. Après des "missions de reconnaissance" pacifiques comme celles de l'allemand Barth (1850-1855) qui visita Agadez, le Damargu, le Damagaram, le Mounio, Tasawa, la vallée du Niger etc..... des missions Françaises suivirent avec un caractère militaire évident (Foureau-Lamy etc.); puis ce fut la "pacification "c'est à dire l'envoi de légions armées qui comme celle de voulet et Chanoine mirent les régions traversées à feu et à sang, massacres de populations, incendies et destructions de villes et des villages; cette triste équipée partie des bords du fleuve ne prit fin qu'à Dan Kori (Tasawa) ou les tirailleurs Français exécutèrent les officiers assassins qui venaient eux-mêmes de faire abattre un autre officier Français (Juillet 1899).
La résistance à l'occupation coloniale se manifesta partout mais de façon dispersée(combat de Zinder, Kandaji Loga, Matankari, Lugu, Kwanni, Tsibiri du Gobir, Tirmini, Jangebe, Galma, Libatan, etc. ). Ce fut seulement après la défaite des insurrections dans l'Ouest du pays de 1905 à 1906 (Alfa Seybu notamment) et dans le Nord de 1916 à 1917 (Kawusan) que l'occupation coloniale devint effective pour l'ensemble du pays. D'abord territoire militaire (Capitales: Niamey 1905-1911 puis Zinder à partir de 1911) puis colonie à partir de 1922 (Capitale: Zinder puis à partir de 1926 Niamey),le Niger vécut sous le régime des travaux forcés. La vie politique connut une certaine animation avec la création du parti progressiste Nigérien (1945) qui adhéra au Rassemblement Démocratique Africain (R.D.A. ) en Octobre 1947.
Luttes politiques et syndicales avaient une dimension à la fois locale (nigérienne) et régionale (A.O.F., Union Française). Contrainte par les événements, la France concéda d'abord la loi cadre (1957) qui assurait une certaine autonomie et enfin une indépendance contrôlée (Août 1960). Djibo Bakari, leader du parti Sawaba favorable à l'indépendance dès 1958 fut combattu par les Français qui lui préférèrent Diori Hamani leader du R.D.A. qui devint le 3 Août 1960 premier président de la république du Niger après des élections largement contestées à l'intérieur du pays.