Zones de végétation
au Niger et au Bénin - zonation présente et passée
Alexander Wezel1, Brigitte Bohlinger2 et R. Böcker1
1Department of Landscape and
Plant Ecology, University of Hohenheim, 70593 Stuttgart, Germany,
Tel.: +49/711/4593628, Fax.: +49/711/4592831,
wezel@mail.uni-greifswald.de
2Department of Plant Production
and Agroecology in the Tropics and Subtropics, University of Hohenheim,
70593 Stuttgart, Germany
Mots-clés: groupements végétaux
de jachère, l'indice de végétation ajusté
pour le sol (SAVI), végétation, zonation de végétation
, Afrique de l'Ouest
1 Objectifs de la recherche
La végétation en Afrique
de l'Ouest a fortement changé au cours de ces dernières décennies.
L'augmentation croissante de la population a entraîne
l'extension des terres cultivables, dans les régions humides ou
sub humides, les forêts ont été défrichées
(Ern 1979, Collins 1990), et dans les régions semi-arides, la couverture
arborescente a fortement diminué (Anhuf et al. 1990, Breman et Kessler
1995) à cause de la coupe du bois de chauffe, du surpâturage
et des sécheresses des années 70. De nombreuses savanes arborées
sont devenues des savanes mixtes arbustive/herbeuse ou des terres incultes.
De plus, les changements de couverture végétative sont souvent
suivis de micro et meso changements climatiques. Cette situation, accompagnée
de changements plus globaux, entraîne des déplacements des
zones de végétation. L'objectif de cette étude est
de fournir des cartes sur la zonation de la végétation présente
et passée au Niger et au Bénin de même qu'une caractérisation
des différentes zones de végétation. Dans cette
étude, les zones de végétation reflètent
l'état actuel de la végétation et pas la végétation
naturelle potentielle.
2.1 Zonation de la végétation
dans le passé
Différentes cartes de végétation
couvrant le Niger et le Bénin ont été sélectionnées
dans la litérature scientifique. Les limites des zones de végétation,
selon plusieurs auteurs, ont été numérisées
à l'intérieur des frontières du pays respectif. Certaines
zonations sont alignées sur les isohyètes des précipitations,
d'autres utilisent les types de végétation pour la différentiation.
Il existe un réel problème qui n'est pas prêt d'être
résolu (voir aussi Schnell 1976). Seules les différences
altitudinales sont peu importantes. Les zonations de Mahamane (1990),
Peyre de Fabrèques (1980), Knapp (1973) et AÉTFAT (1959)
ont été utilisées pour le Niger. Ensuite, les
cartes de Aubreville (1949), AÉTFAT (1959), Knapp (1973), Adjakidji
(1984) et Adjanohoun et al. (1989) ont été choisies pour
montrer les différentes zones au Bénin. La zonation de White
(1983) n'a pas été retenue parce qu'elle utilise une orientation
des isohètes différente qui pourrait induire une mauvaise
interprétation visuelle. La zonation de LeHouérou (1989)
n'a pas pu être transférée à partir de la carte
originale. Bien que les classifications de zones de végétation
varient parmi les différents auteurs, elles sont comparables
au niveau des analyses de tendances temporelles mais pas pour la localisation
exacte des zones.
2.2 Zones de végétation
présentes au sud-ouest du Niger
Quatre images satellite (Landsat TM) du
SO Niger prises vers la fin de la période végétative
ont été utilisées pour calculer l'indice de végétation
ajusté pour le sol (SAVI): TM 192/50 (19.09.92), TM 192/51 (04.10.92),
TM 193/50 (25.09.92) et TM 193/51 (25.09.92). L'année 1992 a été
retenue parce que les conditions de cette année-là sont représentatives
de la moyenne de la dernière décennie (Prince et al.
1995). Le SAVI a été calculé en utilisant les canaux
3 (bande rouge) et 4 (bande presque infrarouge), d'après Huete (1988):
où L est un facteur d'ajustement du sol constant (L=0.5) pour réduire l'effet du sol. Comme ,d'après Huete (1988), le facteur d'ajustement optimal varie avec la densité de végétation, il utilise une constante (L=0.5) qui réduit l'influence du sol à travers une série de densités de végétation.
Les sites d'entraînement ont été utilisées pour classifier les valeurs SAVI en 7 classes: (1) eau, (2) dunes ou plateaux couverts de sable, (3) plateaux latéritiques, (4) champs, (5) jachères, pâtures ou autre superficie avec une couverture végétative peu importante, (6) jachères, pâtures ou autre superficie avec une couverture végétative moyenne, (7) superficies avec une couverture végétative dense (champs de riz, forêts, forêts galeries le long des cours d'eau). Les superficies avec une végétation dense (7) sont caractéristiques du type de végétation de la zone soudanienne comme les savanes arborées/arbustives avec Butyrospermum parkii, Combretum spp. et Anogeissus leiocarpus. Les couvertures végétatives peu importantes ou moyennes (5, 6) sont typiques des savanes situées dans le sud du Sahel avec une végétation ligneuse clairsemée (Faidherbia albida, Guiera senegalensis, Combretum spp.) et une couverture herbacée réduite. Ce type de végétation est souvent appelé 'steppe' (voir Tableau 2).
En plus des images SAVI , des résultats de relevés de végétation effectués sur des jachères en 1994-1996 ont été analysés pour obtenir des informations supplémentaires sur une éventuelle zonation de végétation (PROJECT FALLOW MANAGEMENT; Wezel 1998, Wezel and Boecker 1998). Par conséquent, une carte de la distribution spatiale et de la fréquence de sept groupements végétaux de jachère du SO Niger a été établie pour montrer les limites de leur distribution au nord et au sud. Il est important de préciser que cette information n'a été utilisée que pour la spécification d'une partie de la démarcation de la zone de végétation. Des relevés de végétation supplémentaires sont nécessaires pour toute la superficie du SO Niger.
Les images SAVI et la distribution spatiale
des groupements de jachère ont été utilisées
ensemble pour délimiter les zones de végétation du
SO Niger. Cette zonation a alors été ajoutée à
la carte déjà existante de zonations de végétation
plus anciennes. De toute évidence, les images SAVI seules ne permettent
pas de distinguer les différents types de végétation
mais il est possible de contrôler le degré réel de
couverture végétative, ce qui représente un grand
avantage parce que la classification et la description de la végétation
de la même région par différents auteurs peut être
très variable.
Les zones de végétation actuelles du Niger et du Bénin sont présentées sur une vue. La zonation est dérivée des résultats de Mahamane (1990), des propres observations des auteurs au Niger et de Adjanohoun et al. (1989) au Bénin. Des cartes plus détaillées, spécifiques au pays (carte2: Niger , carte3: Bénin) ont été créées pour les différentes zonations et leurs changements au cours du temps d'après plusieurs auteurs. Des déplacements de zones de végétation vers le sud sont clairement apparents dans les deux pays.
3.1 Zones de végétation
présentes au Niger et au Bénin et leur description
3.1.1 Niger
Le Sahara couvre actuellement toute
la partie nord du Niger. La transition entre le nord et le sud du Sahel
couvre une bande d'environ 200 km au sud (entre 14 et 15°N). La zone
soudanienne nord est limitée au sud-ouest et à quelques petites
superficies au sud du Niger.
En général, la physionomie
des zones de végétation passe d'une végétation
contractée au Sahara à
des savanes arborées, arbustives ou herbeuses au Sahel (Tableau
1; pour la classification des types de savanes voir Tableau
2 et 3) avec des arbres et
des espèces arbustives Mimosaceae et Combretaceae peu nombreuses.
Au nord du Sahel, les savanes herbeuses
sont présentes dans les dépressions, parfois sur les plateaux,
tandis que les savanes arbustives (épineux) prédominent sur
les sols sableux. Dans cette zone pastorale, l'agriculture pluviale continue
est impossible à cause des précipitations trop faibles (200-400
mm). Des bosquets de Combretum sur des plateaux latéritiques, des
savanes herbeuses ou
savanes arbustives
(épineux) sur des terrasses sableuses, des fonds de vallées
secs ou des dunes fixes sont caractéristiques du sud du Sahel
(précipitations 400-600 mm ), avec une particularité appelée
dallols, qui sont les anciennes vallées fluviatiles. La limite nord
de distribution de la savane arborée
composée de Faidherbia albida et Hyphaene thebaica se retrouve dans
ces dallols. Des forêts galeries sont présentes le long
des cours d'eau si la réserve d'eau est suffisante pendant au moins
quelques mois de l'année.
3.1.2 Bénin
Presque tout le nord du Bénin est
couvert par la zone soudanienne sud. Le centre du Bénin est dominé
par la zone nord et dans une moindre mesure par la zone guinéenne
sud. Au sud du bénin, on trouve la zone guinéo-congolaise
. Une petite bande de végétation côtière est
présente le long de l'océan Atlantique.
Les types de végétation
dominants dans la zone soudanienne sont les terres boisées et les
savanes (Tableau 1). On trouve des forêts
galeries le long des cours d'eau. Dans la zone soudanienne nord,
la végétation est dominée par les forêts de
Combretaceae et de Mimosaceae, ou d'arbres seuls avec des couches herbeuses
pérennes d' Andropogon gayanus (sols sableux), Loudetia spp. (latérite,
glacis) et Hyparrhenia spp. (sites humides) (Peyre de Fabrègues
1980). Dans la zone soudanienne sud, les arbres Isoberlinia sont les plus
fréquents.
La végétation des zones
guinéennes est dominée par des forêts et des
savanes
humides. La séparation entre la partie nord et la partie sud
coïncide avec la frontière nord du régime des pluies
bimodal au sud Bénin. La zone guinéenne nord est caractérisée
par des terres boisées, des savanes arborées et arbustives
avec des Isoberlinia spp. et Butyrospermum parkii en abondance (Adjanohoun
et al. 1989). Dans la zone guinéenne sud, on trouve des types de
forêts et savanes humides avec beaucoup de Daniella oliveri.
Dans la zone guinéo-congolaise et les zones
côtières , on trouve une mosaïque de forêts
et de savanes. Quasi toute la végétation originale de ces
deux zones est remplacée par des terres herbeuses ou des savanes
secondaires due à l'impact de l'homme. Cette situation est soulignée
par Bohlinger (1998) dans des études de végétation
sur les jachères arbustives et herbeuses .
3.2 Comparaison des zonations présentes
et passées au Niger et au Bénin
Il est important de remarquer que les
différentes classifications de zones de végétation
ont été analysées par rapport aux tendances temporelles
et pas par rapport aux localisations exactes des zones.
3.2.1 Transition Sahara - Sahel
En ce qui concerne la frontière
la plus au nord entre le nord du Sahel et le Sahara (carte2:
Niger), aucune tendance claire n'est notée entre 1959 et 1990.
C'est peut être lié à la résolution cartographique
mais aussi aux différentes approches de classification de cette
frontière. Etant donné la distribution pluviométrique
inter-annuelle extrêmement variable dans cette région,
la végétation peut changer dramatiquement d'une année
à l'autre (voir Tucker et al. 1991). Dès lors, la classification
de cette frontière dépend fortement des régimes pluviométriques
des années précédentes. De toute façon, un
déplacement de la frontière Sahara-nord sahel n'est pas manifeste.
La zonation de Peyre de Fabrègues (Peyre de Fabrègues 1980)
joint une partie des montagnes de l'Air au nord sahel, ce qui explique
le point saillant vers le nord au centre de la carte. La classification
de Knapp (Knapp 1973) est similaire à celle d'autres auteurs
mais seulement pour la partie ouest du Niger. Il semblerait qu'il ait utilisé
une autre approche pour la partie est, qui n'est pas claire. Les
trois frontières des zones de Knapp sont délimitées
beaucoup plus au nord par rapport aux autres auteurs.
En opposition à la frontière ci-dessus, un déplacement vers le sud de la frontière entre le sud et le nord du sahel est indiqué pour la partie ouest du Niger de 1973 à 1990. Dans la partie est, l'approche de Knapp pourrait entraîner une mauvaise interprétation. Malheureusement, AÉTFAT (1959) n'a pas présenté cette frontière.
3.2.2 Transition Sahel - zone soudanienne
Des changements sont clairement visibles
pour la frontière entre la zone soudanienne et le sud du Sahel.
De 1959 à aujourd'hui, on reconnaît un déplacement
vers le sud. Cette tendance pourrait bien continuer dans ce sens
puisque l'isohyete actuel de 600 mm (1980-1994), souvent utilisé
pour déterminer la frontière sahelo-soudanienne, est beaucoup
plus au sud encore (carte2:
Niger) et les changements de végétation suivent les changements
climatiques un peu plus tard (voir Breman et Cissé 1977). Les précipitations
globales ont diminué au Niger ces dernières années
(Figure 1; Sivakumar et al. 1993). Pour
la frontière actuelle, le changement quantitatif de l'indice SAVI
des superficies avec une couverture végétative pauvre à
moyenne (blanc, rouge, jaune, vert clair, vert moyen) passant à
des superficies possédant une couverture végétative
dense (vert foncé) a été utilisé pour délimiter
la frontière entre le sud du sahel et la zone soudanienne nord (lien
vers SAVI). Sur la frontière vers le Burkina Faso, cette délimitation
était située plus au nord que celle de Fontès et Guinko
(1995) au Burkina Faso.
D'après Fontès et Guinko
(1995), une sous-zone (une zone de transition sahélo-soudanienne)
a aussi été dérivée des images
SAVI. Cette zone est caractérisée par des superficies
possédant une couverture végétative pauvre à
moyenne (vert clair à moyen) . De plus, les limites sud d'apparition
de trois groupements ont été utilisés (Chrozophora
brocchiana-, Aristida sieberana-, Tribulus terrestris - Limeum pterocarpum-)
(Figure 2). Ces groupements sont présents
sur des sites secs et sableux (Wezel et Boecker 1998) et ont une
composition d'espèces caractéristique qui n'apparaît
qu'au nord de la sous-zone.
3.2.3 Transition zone soudanienne -
zone guinéenne
Au Bénin, des déplacements
vers le sud des zones de végétation se vérifient également
(carte3: Bénin).
Aubreville (1949), AÉTFAT (1959) et Knapp (1973) délimitent
la frontière entre la zone soudanienne et la zone guinéenne
nord plus au nord que Adjanohoun et al. (1989). LeHouérou
(1989) a été le premier à séparer la zone soudanienne
en zone soudanienne nord et zone soudanienne sud. Les précipitations
annuelles des années 1964-1993 ont diminué (Figure
3), comparé aux moyennes présentées par Adjanohoun
et al. (1989), ce qui pourrait entraîner davantage de déplacements
de la zone soudanienne vers le sud.
3.2.4 Transition zone guinéenne
nord- zone guinéenne sud
Aucun déplacement au sud de la
frontière entre les zones guinéennes sud et nord n'a
été noté (carte3:
Bénin). Une exclave de la zone guinéenne sud au nord-ouest
du Bénin est due, comme Knapp (1973) l'indique, à la classification
d'un site des montagnes togolaises à la zone guinéenne sud.
Une autre exclave est aussi localisée dans la zone guinéo-congolaise
par Adjanohoun et al. (1989). Ces sites ne peuvent pas être
interprétés en fonction des déplacements de végétation.
3.2.5 Transition zone guinéenne-
zone guinéo-congolaise, zone côtière
Au sud du Bénin, les frontières
entre les zones guinéenne et guinéo-congolaise sont très
variables selon les auteurs et ne peuvent être interprétées
par rapport à des déplacements vers le sud ou le nord. C'est
également le cas pour la zone côtière du Bénin.
Toutefois, l'influence climatique de l'océan Atlantique est plus
importante dans ce cas précis.
Malgré des classifications de zones
de végétation variables selon les auteurs, celles-ci ont
pu être analysées en fonction de tendances temporelles. Au
cours des dernières cinquante années, on remarque un déplacement
vers le sud de la plupart des zones de végétation au Niger
et au Bénin. C'est le cas pour toutes les frontières dans
les régions aux climats semi-aride et semi-humide. Cependant, les
frontières sont stables dans les régions aridse du Niger
(frontière Sahel-Sahara) et dans la région sub-humide du
sud Bénin (frontière zone guinéenne nord vers
sud, zone guinéenne sud vers frontière guinéo-congolaise).
La diminution de la pluviométrie annuelle moyenne est une des raisons
du changement des frontières des zones de végétation
au sud et au centre du Niger et au nord du Bénin. Ensuite,
la population croissante entraîne la dégradation
de la végétation, particulièrement en défrichant
pour cultiver les terres et en coupant les arbres pour se procurer du bois
de chauffe et du matériel de construction.
La comparaison des précipitations
annuelles moyennes avant et après 1980 au Niger fait entrevoir un
déplacement continu des zones de végétation vers le
sud parce que les changements de végétation suivent les changements
climatiques . De plus en plus, l'impact humain sera responsable de zones
de végétation où les types de végétation
précédents seront remplacés par des types de végétation
secondaires. La végétation originale ne se maintiendra
que sur des sites protégés.
Remerciements
Merci beaucoup à
F. Graef et U. Weller pour les cartes des précipitations.
Adjakidje V. 1984. Contribution à l'étude botanique des savanes guinéennes de la République Populaire du Bénin. - Thèse du troisième cycle, Université de Bordeaux III, Bordeaux, 284 pp.Adjanohoun E.J. et al. 1989. Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques en Republique Populaire du Bénin. Agence de Cooperation Culturelle et Technique, Paris, 895 pp.
AÉTFAT (Association pour l'Étude Taxonomique de la Flore d'Afrique Tropicale) 1959. Vegetation map of Africa. South of the Tropic of Cancer. University Press, Oxford, 24 pp.
Anhuf D., Grunert J., Koch E. 1990. Veränderungen der realen Bodenbedeckung im Sahel der Republik Niger (Regionen Tahoua und Niamey) zwischen 1955 und 1975. Erdkunde 44: 195-209.
Aubréville A. 1949. Climats, forêts et désertification de l'Afrique tropicale. - Paris, Vol. 1, 381 pp.